Avez-vous jamais rêvé d’être seul sur une île ? Passer un temps de paix dans le balancement des marées… A l’approche du solstice d’été, c’est le cadeau que je me suis offert pour mon anniversaire. Dans la solitude de l’île Wrac’h, je vivais dans son phare, sa Maison Feu… S’ensuivent des « Chroniques en Wrac’h » dont je partage ce petit extrait :
Lundi 12 juin, 17h. Je suis assise à l’ouest sur la plage dont le sable est si blanc, si fin. Le vent quand il souffle fort dessine sur la dune ses mandalas minéraux. Première journée de soleil sans aucun nuage. J’écoute le mystère de la mer et le chant d’oiseaux inconnus que je perçois enfin, car le vent s’est calmé, exauçant mon vœu d’une parenthèse buissonnière. Un temps à admirer l’horizon. A écouter la respiration des vagues sur la plage. L’île m’aspire, m’expire… Je me laisse faire. Je rentre en conversation avec les éléments. Happée à marée haute. Ceinte par les flots dans la blancheur étincelante de mica. Etre là. Juste là. Respirer l’haleine du large. Ecouter le chant secret de l’île.
Au loin, la mer se casse en gerbes d’écume sur une haute barrière de rochers. Elle se brise sur d’énormes cailloux acérés comme des crocs. A bien y regarder on dirait les vertèbres d’un cachalot monumental qui se serait échoué là il y a des milliers d’années. Ou bien serait-ce l’épine dorsale d’un gigantesque diplodocus marin pétrifié dans son trépas ? Ce puissant protecteur veille sur l’île à Nord Ouest. C’est de là que vient la rumeur que j’entends souffler comme une basse depuis l’océan.
L’horizon s’étend à perte de vue. Bleu est la couleur de l’infini. Au large j’aperçois des navires hauturiers qui tracent leur route loin des récifs meurtriers. Je bénis cet instant qui m’est offert comme un présent. J’ai vu pêcher le cormoran et son corps se glisser sous l’eau aussi rapide et puissant qu’un crocodile marin. Entièrement seule et infiniment confiante. Protégée par l’île des mythologies artificielles de la ville, je ressens une immense gratitude. La pureté existe encore quelque part. La main de l’Homme n’a pas encore tout saccagé. J’avais tant besoin de cette confirmation là. Cette capsule de beauté immaculée, l’île me l’a donnée. L’âme heureuse, le cœur plein. Quelles retrouvailles avec ma terre natale !
Je suis allée marcher dans l’onde aigue-marine du lagon. Protégée des vents dominants, l’anse de Saint Cava ressemblerait presque aux rives méditerranéennes si ce n’était la fraîcheur de l’eau qui pince mais à laquelle je m’habitue. A travers la mer translucide des algues de toutes sortes forment autant de cachettes pour les étrilles qui se carapatent à mon approche. J’aime la résistance de l’eau sur mes jambes quand j’accélère, la mélodie que ma traversée aquatique produit, le sable meuble qui engloutit mes pieds jusqu’à la cheville. Solaire, presque exotique avec ses majestueux pins maritimes sur la presqu’île, voici la Bretagne magique de mon enfance. J’ai dérangé des migrateurs et admiré l’envol de cette petite escadrille d’oiseaux blancs. La formation parfaite a viré en faisant une large volte cap à l’ouest. Illuminés d’argent dans le soleil ils ont disparu comme des fées. C’était tellement beau que j’ai presque cru en être une moi-même de fée, ou alors une reine dans son royaume…