Adulés par la foule lorsqu’ils sont à leur apogée ou conspués lorsqu’ils chutent de leurs piédestaux, ces magiciens du ballon rond, souvent méprisés par l’intelligentsia, laissent rarement indifférent. Que symbolise le football pour déchaîner cette liesse dans la victoire et ce désespoir dans la défaite ? Que se joue-t-il réellement sur un stade au point de soulever la ferveur collective ou le déchainement des passions qui mène parfois à la violence ? 

Etre payé des sommes astronomiques pour courir après un ballon en étant acclamé par la foule peut sembler disproportionné ou aberrant. Les critiques pleuvent régulièrement sur l’indécent mercato footballistique et ses athlètes qui défraient la chronique de leurs frasques, vendent leur image aux marques, exposent leur anatomie dans les calendriers, apparaissent dans les magazines et les réseaux sociaux comme de véritables icones de mode. Jamais encore ces idoles contemporaines n’avaient atteint une telle popularité… Adulés par la foule lorsqu’ils sont à leur apogée ou conspués lorsqu’ils chutent de leurs piédestaux, ces magiciens du ballon rond, souvent méprisés par l’intelligentsia, laissent rarement indifférent. A l’approche de la Coupe du monde, dont le coup d’envoi sera donné le 14 juin prochain en Russie, nous nous sommes interrogés. Que symbolise le football pour déchaîner cette liesse dans la victoire et ce désespoir dans la défaite ? Que se joue-t-il réellement sur un stade au point de soulever la ferveur collective ou le déchainement des passions qui mène parfois à la violence ? Si vous avez déjà assisté à un grand matche, vous avez dû ressentir cette forme de communion et cette émotion qui emplit le stade, le souffle suspendu à ces instants d’amour-fusion avec les « saints » de l’équipe adorée qui combat dans l’enceinte du stade alors sanctuarisée. Le football aurait-il pris la place laissée vacante par la religion ? Que vient chercher le public ? « Dans les jeux de la Grèce antique, les hommes vénéraient le lieu donateur de force. Lors des combats du Pancrace, le sol était le lieu consacré de leur force. On devait faire tomber son adversaire au sol pour le vaincre. La chute symbolisait la perte de puissance mais en même temps le vaincu retrouvait sa force grâce au contact du sol. » Cite l’anthropologue Eric Medjad dans sa thèse consacrée au jeu roi. Analogie pertinente lorsqu’on se souvient du match entre Barcelone et La Corogne en mai 1997, quand Ronaldo tombé au sol, tel un héros vaincu, se relève d’un bond, récupère le ballon et regarde vers le but adverse. C’est l’instant de Ronaldo, cet instant technique et magique où il devine l’étroit couloir menant au but, démarre sa course, dribble les adversaires qui tentent de lui barrer la route, affronte le gardien qui s’est trop avancé. Et marque divinement… Ces moments de grâce confinent au sacré et c’est probablement cette dimension que le public vient inconsciemment chercher. S’arrêter au seul aspect mercantile du football serait laisser de côté les formes bien plus symboliques que ce sport revêt. La puissance dans la victoire ou la mort symbolique dans la défaite de son équipe seront encore plus intensément vécues lors de la grande « cérémonie sportive » de la Coupe du monde 2018 qui verra s’affronter les nations dans un combat … pacifique !

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